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1902 6 août
voilà le résultat final et un magnifique naufrage au port quand tout paraissait sourire aux uns et aux autres, quand le couronnement de l'œuvre ne consistait plus qu'en deux jours peut-être un peu pénibles mais pour lesquels les concours de solides gaillards étaient assurés et qu'il restait assez de provisions pour ne faire tort à personne. Et en résumé à qui la faute ? Au choléra ? Heu ! Heu ! peut-être pour les timorés qui ne voient les choses que superficiellement ; reste d'ailleurs encore à savoir tirer les nouvelles de Pfannl tout exactes ! La vraie faute en est à Crowley qui au lieu de s'arrêter au camp IX est aller bêtement placer son camp X au plus sale endroit imaginable et quand on voulut changer au lieu de redescendre au IX on fit l'ânerie d'aller au XI et idem au XII au lieu de sagement redescendre au IX où on aurait pour aménager des emplacements de tente sur terre ferme. Les chapes d'approvisionnement qu'eussent été des plus faciles à faire les jours de beau temps et aujourd'hui ou demain le K2 était à nous. Au lieu de cela, on est allé s'anémier pendant plus d'un mois à 6000m et quand le moment fût venu de prendre une décision urgente d'où dépendait la réputation des membres de l'expédition et le résultat de toute l'entreprise, une fin de non recevoir, jetée en l'air nonchalamment du fond de son sac lit, fut le couronnement final, le résultat bien marqué auquel personne ne se serait attendu, du moins dans ma famille et mes amis en Suisse. J'ai soin de noter ces réflexions amères ; le jour-même de leur naissance qu'on n'aille pas croire qu'il y ait la moindre faute de ma part. C'est le coeur en rage et l'âm navrée que je les écris car je n'aurais plus l'occasion de revenir par ici, et je crains bien que cela ne me coupe tout espoir de retour dans l'Himalaya